Accident respiratoire : décanulation

Accident respiratoire : décanulation

Announcement Date: 15 août 2014

Le sujet étant un peu délicat, j’étais réticent à l’aborder, car je voulais éviter d’effrayer les parents qui auraient le choix de garder leur enfant ayant une trachéotomie à domicile. Je me disais que si ça n’arrivait que trop rarement, insister sur ces incidents respiratoires pourraient être plus effrayant que productif…
J’ai changé d’avis suite à deux événements. Une conversation avec une famille (rencontrée suite à leurs commentaires dans un des articles du blog), nous apprenant que eux aussi avait subi un accident similaire… et le nouvel accident de cette semaine.

Les accidents évoqués sont les décanulations et les bouchons de canule, je les aborde un peu dans cet article, et je vais les décrire plus en détail ici.

Description

Lorsque la canule est retirée de l’orifice trachéal, autrement dit lorsque la trachéotomie est retirée de la gorge, on parle de décanulation. Selon la pathologie de la personne décanulée, cette dernière peut respirer plus ou moins bien et plus ou moins longtemps sans sa canule. A l’heure actuelle, Baptiste ne peut pas respirer du tout… c’est arrivé une fois, il avait moins d’un an. L’autre type d’accident concerne les bouchons, qui se forment à la suite de sécrétions qui sèchent dans la canule, devenant de plus en plus compactes. C’est arrivé deux fois à Baptiste (quand il avait un an et demi et récemment à 2 ans et 4 mois).
Ce ne sont donc pas des accidents fréquents, mais pas non plus exceptionnels…de notre côté, en moyenne tous les 8-10 mois.

Ces deux accidents ont les mêmes conséquences : incapacité à respirer puis cyanose (accumulation du CO2 dans le sang), perte de conscience et parfois rigidité du corps… voire le décès l’on n’est pas assez rapides à réagir.

Comment s’y préparer ?

Prévenir l’accident

Nous savons que nous avons été confrontés trois fois à ce genre de situation, mais nous n’avons aucune idée du nombre de fois où nous l’avons évitée grâce à quelques précautions.
Pour éviter les bouchons, le filtre de la trachéotomie doit être en place (si possible en permanence) pour empêcher les sécrétions de sécher. Si vous voulez plus de détails sur le sujet, il est déjà évoqué dans l’article sur les risques liés à l’eau. L’humidité de l’air réduit également le risque, nous en parlions dans cet article dans la partie sur l’humidificateur.
Pour réduire le risque de décanulation, c’est sur la fixation du collier et le confort de la trachéotomie qu’il faudra se pencher. Si le pansement gratte, que la peau est pincée, que le collier est trop ou pas assez serré, cela augmentera l’inconfort, et donc le risque que l’enfant s’acharne sur sa trachéotomie jusqu’à réussir à l’enlever. L’équipe soignante de l’hôpital vous apprendra à serrer un collier lors des soins de trachéotomie.

L’importance du monitoring nocturne

C’est principalement à cause de ce type d’accident qu’il est indispensable que l’enfant soit relié à un saturomètre la nuit. Tous nos accidents ont eu lieu la nuit, donc ne vous dites pas que « il dort, donc c’est moins dangereux ». Avec un saturomètre connecté à l’enfant, une alerte insupportable sonne dès que l’enfant ne s’oxygène pas bien et vous serez donc prévenus  immédiatement du problème.
Mais surtout si vous êtes tenté de ne pas mettre le saturomètre à votre enfant sous prétexte qu’il ne va dormir qu’une demi-heure, que vous n’êtes pas loin (dans une pièce voisine) ou que la machine vous embête à toujours sonner pour rien ne céder jamais à cette tentation, je dis bien JAMAIS.

Notre saturomètre

Notre saturomètre

Formation à l’hôpital
En plus du saturomètre, nous avons un baby-phone vidéo dans la chambre de Baptiste. C’est très utile car les fausses alertes sont très fréquentes. Ainsi lorsque Baptiste s’assoie dans son lit, ou se retourne, une alarme peut survenir. Un simple coup d’oeil à la caméra nous rassure et nous permet d’être plus détendu.

Avant de sortir de l’hôpital, faites vous former par l’équipe soignante sur la réanimation d’un enfant décanulé. Sur les trois accidents que nous avons eu, il a fallu réanimer Baptiste deux fois, en faisant un massage cardiaque et du bouche à canule. La troisième fois, il est devenu bleu, mais n’a pas perdu conscience. L’élément le plus important pour que les choses se passent au mieux est la rapidité de réaction, chaque seconde compte, et à chaque minute qui passe c’est 10% de chances de moins de réanimer l’enfant (ou l’adulte d’ailleurs). Si vous arrivez près de votre enfant, et que vous le voyez perdre conscience, vous étiez là au bon moment, en lui changeant la canule, et en le ventilant (soit à l’aide d’un ballon, soit en soufflant directement) il devrait vite revenir à lui. Soyez bien conscient que c’est vous qui devrez régler la crise. Les pompiers, le SAMU, les médecins ou n’importe quelle aide extérieure arriveront trop tard.

La formation PSC1

C’est le nouvel acronyme de la formation de secourisme. Elle dure une journée et peut être suivie durant votre temps de travail. C’est une formation classée « civique », ce qui fait qu’elle ne retire pas de jour de votre compteur de formation professionnelle (DIF). Je l’ai suivie cette année, et j’ai été surpris de la proportion de la formation dédiée au secours des bébés et enfants. On y voit les gestes d’urgence à effectuer sur eux, avec des exercices précis et très utiles. Malgré que nous ayons réanimé Baptiste sans cette formation, je pense que cela devrait être obligatoire (c’est déjà le cas dans certains pays européens). Elle vous entraîne exactement à ce qu’il faut faire en cas d’accident (à cela près que dans les exercices on souffle dans la bouche, en fermant le nez, alors que vous soufflerez dans la canule).

On s’entraîne sur un petit mannequin de bébé

On s’entraîne sur un petit mannequin de bébé

Nous n’avons jamais rencontré d’enfant avec une trachéotomie (VACTERL ou pas) n’ayant pas eu au moins un accident respiratoire. Il faut donc s’avouer que ces accidents ne sont pas exceptionnels, et mieux vaut être avertis pour s’y préparer. Il me parait imprudent et peu réaliste d’espérer passer au travers de ces soucis sans les rencontrer. En réagissant rapidement et de manière adaptée, il n’y a pas de raison que les choses se passent mal. Nous ne vivons pas dans la peur de cette situation, mais nous sommes prudents en permanence et gardons toujours un œil sur Baptiste dans n’importe quelle situation.

Mettre le matériel à disposition

Dans l’action, vous n’aurez pas le temps de chercher dans la chambre pour le ballon de réanimation ou la canule de rechange, c’est pourquoi il faut toujours avec ce matériel au même endroit, à portée de main du lieu où vous faites les soins.

Bon courage à tous, tenons bon !

Articles liés:
La trachéotomie
Les risques liés à l’eau (détail sur le filtre de trachéo)
Un accident respiratoire à l’hôpital
– Article Necker n°2