Survivre heureux, un jour après l'autre

Mode d’emploi à l’attention des proches

Cet article est forcément très subjectif, mais après avoir surfé un peu et avoir lu des forums où les parents d’enfants ayant VACTERL évoquent leur rapport avec leurs proches, je m’aperçois que beaucoup de choses peuvent être généralisées. La famille et les amis ont un rôle à jouer qui est à mon avis très compliqué. Les maladresses sont difficiles à éviter et peuvent être blessantes ou agaçantes. Il y a des périodes, où on ne peut plus parler uniquement qu’avec des gens qui connaissent les mêmes soucis que nous, parce que eux comprennent et sont beaucoup moins maladroits. C’est pour cela que je pense que les conseils suivants sont importants si vous voulez soutenir vos proches.

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Éviter de poser certaines questions

Pour toutes les personnes qui entourent des parents et en particulier une maman qui vient d’avoir un enfant avec une ou des malformations congénitales, nous vous conseillons d’éviter de poser certaines questions que vous avez légitimement dans la tête, par exemple : « Tu ne sais pas ce qui a pu provoquer tout ça ? » ou de faire des remarques comme « il ne faut pas que tu te dises que c’est de ta faute ». Cela a un effet culpabilisant alors que vous souhaitez probablement faire exactement l’opposé. Mais la maman va se dire « pourquoi on pense que je devrais culpabiliser? Donc les gens pensent que j’ai une responsabilité? », alors qu’elle n’y avait peut être jamais pensé (et à raison).

Éviter le surplus d’optimisme

C’est certainement le point le plus important, nous avons vraiment l’impression que les gens ne conçoivent pas qu’un problème ne peut pas toujours être résolu, même après une opération chirurgicale. Une malformation ça ne se guérit jamais vraiment, on l’opère pour la contourner ou la soulager, mais elle fait partie intégrante de l’enfant.
Ensuite notre enfant a une maladie orpheline, c’est très rare et ça tombe sur nous. C’est pas de chance, mais vraiment pas de chance… Alors les phrases comme « Il n’y a pas de raisons que ça se passe mal » avant une opération, ça ne passe pas. Ce que je réponds toujours dans ces cas là, c’est qu’il n’y a besoin d’absolument aucune raison pour que ça se passe mal, mais il faut une juxtaposition de milliers de petites choses pour que les choses se passent bien. Et dites-vous bien que ce n’est pas un excès de pessimisme de ma part que de dire ça, les opérations pratiquées sur des enfants ayant de grosses malformations ont des complications. Ce ne sont pas les complications improbables comme on en a sur tous nos médicaments, non ce sont des choses qui ont plus de chances d’arriver, et qui dans notre cas ont très rarement manquer l’occasion de nous surprendre.

Non ce n’est pas « encore » fini

Quand on revoit quelqu’un 6 mois après une période difficile, qu’il est surpris et nous dise « ce n’est pas fini, vous êtes encore embêtés ? »… Franchement ça nous fait mal. C’est dur à entendre car ça nous isole dans le fait que notre situation est tellement anormale, que notre interlocuteur n’a aucune idée de ce que l’on traverse. Cela fait des mois qu’on est toujours dans notre combat, jour après jour, et lui pensait qu’on faisait notre petite vie tranquille, qu’on planifiait nos vacances avec nos amis et que la situation de notre enfant n’était qu’un aspect minime de notre vie… ça peut être pris comme un manque de respect de nos efforts, ça minimise notre peine, la situation de notre enfant c’est 80% de notre vie et de nos efforts. Toute notre vie tourne autour de ça.

Ne pas être extasié devant la normalité de notre enfant

On peut être surpris qu’un enfant avec un départ si difficile puisse évoluer aussi bien, mais parfois dès que l’enfant se penche pour ramasser un jouet, les gens s’exclament « c’est vraiment un enfant normal! ». Oui c’est un enfant normal, et c’est très gentil de le remarquer, mais une fois remarqué, merci de l’appliquer. Parce qu’un enfant normal, on ne lui dit pas tout le temps, donc ne le répétez pas excessivement à un enfant ayant VACTERL. Ça permettra à lui et à ses parents, de réellement se sentir plus normaux.

Ne pas être gêné par les différences

Pour cela une seule réelle solution, passer du temps ensemble, une trachéotomie, c’est fou à quel point ça devient invisible rapidement. Si au début des choses vous êtes mal à l’aise et bien prenez sur vous. J’ai déjà ruminé plusieurs jours sur le fait que quelqu’un commençait à pleurer en voyant mon fils. J’avais envie de lui dire qu’avec la force qu’avait mon fils pour vivre, il n’avait pas à supporter sa faiblesse à elle qui ne peut pas supporter sa vue. Après chacun sa sensibilité, mais vous êtes responsables de votre attitude, nos enfants n’ont pas à se demander pourquoi un adulte est triste en le voyant.

Attention avec les conseils traditionnels

En tant que parents, nous avons besoin de conseils et nous sommes heureux d’en recevoir. Par contre soyez prudents et donnez des conseils uniquement applicables à notre cas.
Par exemple, Baptiste a une gastrostomie, il n’a pas mangé de lui même pendant 18 mois, ces derniers temps il commence à manger, mais les morceaux ne passent pas (je résume pour le propos de l’article, mais je ferai un article sur l’alimentation, le sujet étant très vaste). Et bien quand quelqu’un vient nous dire: « moi pour lui faire manger des morceaux, je lui ai d’abord proposé des curly », ou « essaie de mettre des petites coquillettes bien cuites dans sa soupe », ça ce sont de bons conseils, il faut qu’on essaie plein de choses alors autant qu’on aie des idées! Mais par contre: « Ne t’inquiètes pas si il ne mange pas, un enfant ça ne se laisse pas mourir de faim » est un conseil qui n’est pas adapté à notre situation. Un enfant qui a déjà eu des opérations chirurgicales pour pouvoir manger, ça ne se passe pas que dans sa tête. Baptiste peut ne pas manger pendant des jours et perdre du poids si nous ne sommes pas constamment derrière pour veiller à sa bonne hygiène alimentaire.

Lors des hospitalisations

Nous avons tous besoin de soutien dans ces moments, des SMS ou des mails sont la meilleure manière d’être présent sans être trop intrusif. Dans notre cas, nous avons tendance à aimer être dans notre bulle lors des hospitalisations, alors même si nous apprécions les messages de soutien, il n’est pas rare que nous n’y répondions pas,. Donc s’il vous plaît, ne vous vexez pas d’un manque de nouvelles de notre part, nous avons beaucoup de choses en tête dans ces moments-là. Il faut savoir soutenir en laissant l’espace d’intimité dont les gens ont besoin.
Dans ces moments, toutes les règles précédemment évoquées sont encore plus importantes à suivre. Lorsqu’un enfant va mieux et commence à se réveiller, éviter un « tu vois ça va aller maintenant, le plus dur est derrière toi, je te l’avais dit de ne pas t’en faire ! » et préférez un « Superbe nouvelle, j’espère que ça ira encore mieux demain, bon courage, je pense à vous ». Ça parait tout bête mais les mots ont leur importance pour que l’on puisse jouir de votre soutien sans réserve.

En résumé

Comme je l’ai dit au début, le rôle des proches est très compliqué, nous avons besoin que notre enfant soit traité normalement, et on ne veut pas non plus qu’on minimise nos soucis et qu’on oublie ses différences… C’est un peu contradictoire je le reconnais, et si je devais être plus précis dans les règles à respecter je n’y arriverais pas. J’ai constaté avec surprise à quel point nos proches avaient souvent réussi à réagir parfaitement, nous donnant l’impression de nous comprendre, sans nous plaindre, sans minimiser, avec un véritable respect de notre enfant qui ne vire pas à la condescendance. Nous avons longtemps pensé que personne ne pouvait nous soulager, ou nous venir en aide, et par leur attitude au cours du temps, notre famille et nos amis nous ont prouvé le contraire. Merci à vous.

Des amis dont l'attitude a toujours sonné très juste.

Des amis dont l’attitude a toujours sonné très juste.

Bon courage à tous, tenons bon :).

3 réponses à “Mode d’emploi à l’attention des proches”

  1. Cathy np

    Cette article est tellement parlant, j’espère qu’il servira à d’autres, pour ma part cela est trop tard.

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  2. Cathy np

    Merci pour ce blog, vraiment je me retrouve bcp… Et j’ai trouvé magnifique « Docteur maman, diplômée de l université des bisous » Je pense que sans notre amour, nos enfants seraient moins combatifs. Il faut le dire pour tous les parents qui comme nous on le rôle d’infirmier : VOUS ETES DES PARENTS GENIAUX !!!

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    • Vincent

      C’est génial si tu t’y retrouves, c’est vraiment le but, qu’on voit qu’on traverse tous des épreuves similaires !

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